Isabelle. Déléguée médicale et déléguée syndicale dans l’industrie pharmaceutique

Isabelle. Déléguée médicale et déléguée syndicale dans l’industrie pharmaceutique

C’était très frustrant au début

Quelle est ta situation actuelle en cette période de Covid 19 ?

Toute l’entreprise est en télétravail depuis l’annonce du confinement, moi aussi.

Donc vous travaillez à temps plein, même en confinement ?

Oui télétravail pour le siège et le terrain à temps plein. Nous travaillons sur des maladies chroniques, donc l’activité est peu impactée par le Covid 19. Nous avons par contre été mis en congés « forcés » durant deux semaines en mai..

Vous avez négocié la pose de congés et RTT pour compenser la période de confinement ?

La direction a utilisé une disposition de l’accord de temps de travail qui lui permet de disposer de 9 jours de RTT sur les 14 que nous avons. La direction a proposé d’aller plus loin en prenant également des jours de CP. Nous n’avons pas trouvé de terrain d’entente sur ce sujet. Nous nous rendons compte que nous avons beaucoup de travail pour toutes les fonctions du siège, mais également terrain où des formations sont possibles. Il n’y avait pas de raison d’aller plus loin dans la prise de congés anticipés.

L’activité du CSE a-t-elle été modifiée par la crise du Covid 19 ?

Non, au début pas du tout. Nous devions rester sur le rythme normal d’une réunion de CSE tous les deux mois. Au début, la Direction refusait de nous associer à la réflexion sur l’adaptation au Covid. Ils nous ont systématiquement mis devant le fait accompli. Il a fallu se battre pour arriver à être écoutés et pris pour des partenaires sérieux.

Comment avez-vous fait pour vous faire entendre ?

Il a bien fallu passer par le rapport de force. Nous avons d’abord fait une enquête sur l’impact du télétravail parmi nos collègues. C’est la CSSCT qui s’en est chargée. Ça a été très très mal perçu par la direction alors que les salariés avaient plutôt un message positif ! Au début du CSE suivant nous avons lu un message formel à la Direction. Rien d’agressif, nous demandions simplement à être considérés comme des partenaires avec lesquels on peut échanger et travailler.  Là aussi ça a été violent, on s’en est pris plein la tête !

Ça a quand même amené un changement dans le dialogue social ?

Finalement oui. Le secrétaire du CSE est intégré au point hebdomadaire de la cellule Covid et la CSSCT va se réunir chaque semaine avec la Direction pour suivre le déroulement du retour au travail. Nous avons eu deux réunions extraordinaires sur les mesures de déconfinement. Nous sommes passés d’une défiance permanente et réciproque à des échanges plus francs et constructifs. Lors d’une de ses dernières interventions, notre Directeur Général s’est même félicité du dialogue positif avec les élus du personnel ! Bon, il ne faut pas être naïfs et quand même rester vigilants, voir comment va se passer le dialogue social lors du déconfinement.

Comment se passe le déconfinement chez vous ?

C’est pour bientôt, à partir du 2 juin où les salariés reviendront progressivement dans les bureaux du siège. Il y aura un maintien du télétravail pour les salariés qui ont des pathologies spécifiques ou vivant avec une personne « vulnérable »,, aussi pour ceux qui ont des problématiques de garde d’enfants. Les salariés du siège qui ne peuvent venir autrement qu’en transport en commun pourront aussi rester en télétravail. Tout ça restera valide jusqu’au 2 juillet.

Tu as des contacts avec les salariés malgré le confinement ?

Oui beaucoup !! Surtout au téléphone. Nous avons aussi l’adresse mail du CSE où nous recevront des messages après chacune de nos communications. Mais beaucoup de salariés m’appellent directement. La Direction fait une déclaration à tous les salariés toutes les deux semaines qui est très complète et en général nous recevons beaucoup d’appels juste après. Les salariés ont besoin d’échanger pour mieux comprendre et se faire leur propre opinion. 

Beaucoup de réticences à revenir travailler au siège

Quel est leur état d’esprit par rapport au retour au bureau ?

Il y a beaucoup d’angoisse et une demande massive de maintien du télétravail.  Beaucoup ne comprennent pas pourquoi ils devraient revenir dans les locaux du siège alors qu’ils se trouvent très efficaces en télétravail. Après j’ai peut-être une vision biaisée car ce sont certainement ceux qui ne veulent pas revenir qui m’appellent le plus. Il faudra rapidement faire une étude auprès des salariés pour mieux comprendre ça.

Qu’est ce qui angoisse tes collègues dans le retour au travail ? La peur de la contagion ?

Un peu mais ce n’est pas la seule raison. Notre siège est à la Défense. Je pense que les embouteillages ou le temps perdu dans les transports comptent pour beaucoup. Les collègues ne sont pas pour un télétravail complet. Mais je pense qu’ils voudraient aller plus loin que notre système précédent (un jour de télétravail par semaine). Le télétravail fonctionne bien et les besoins de relations en présentielles ne demandent pas forcément 4 ou 5 jours de présence par semaine dans nos locaux.

Comment la Direction réagit face à cette demande ?

Pour le moment sa priorité est le retour au travail dans les bureaux. La réflexion sur un télétravail plus large pose aussi un problème de coût. Pourquoi louer des locaux aussi chers s’ils doivent rester vides la moitié du temps ?

Comment vois-tu l’évolution du dialogue social dans ton entreprise ?

Nous partons de loin avec des relations humaines qui étaient dégradées dans l’entreprise et un dialogue social très mal vu par nos dirigeants. Ça va un peu mieux aujourd’hui et nous allons pouvoir le vérifier dans le dialogue sur nos futurs enjeux. Une nouvelle négociation sur le télétravail sera indispensable.

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